Premier Noir à
avoir dirigé un géant de la City - l'assureur Prudential -, le
Franco-Ivoirien a été nommé à la tête de l'un des plus grands groupes bancaires
au monde, Crédit Suisse. Portrait d'un précurseur.
Frapper là où
personne ne l’attend. C’est définitivement devenu la spécialité de Tidjane
Thiam. Le 1er juillet 2015, à quelques jours de ses 53 ans, le Franco-Ivoirien prendra les rênes du Crédit suisse,
l’un des plus grands groupes bancaires au monde et la deuxième
de la place helvétique par sa capitalisation boursière. Il deviendra ainsi
le premier Africain à diriger une institution financière de cette taille (1
200 milliards d’euros d’actifs sous gestion). Encore une première pour ce
petit-neveu du défunt président ivoirien Félix Houphouët-Boigny, auquel il est
lié par sa mère.
Tidjane Thiam a
toujours été en tête : premier au concours général de mathématiques en 1980 ;
premier ingénieur ivoirien de l’École polytechnique de Paris, dont il est sorti
major de promo ; premier Noir à diriger une multinationale du FTSE 100,
l’équivalent britannique du CAC 40 français, en prenant la tête de
Prudential, en 2009. Il quitte aujourd’hui l’assureur britannique avec un bilan
solide. En 2014, celui-ci a dégagé un bénéfice net de 2,8 milliards
d’euros, contre une perte de 300 millions d’euros au premier semestre
2009, juste avant l’arrivée de l’Ivoirien.
Tidjane Thiam
s’est constitué au fil des ans un puissant réseau d’influence. Membre de la
Commission pour l’Afrique mise en place par l’ancien Premier ministre
britannique Tony Blair, il a eu l’occasion de travailler avec de nombreux chefs
d’État africains.
L’Ivoirien siège
aussi au conseil consultatif de David Cameron, l’actuel locataire du 10,
Downing Street, au sein duquel il côtoie des puissants comme le gouverneur de
la Banque d’Angleterre ou l’Indien Ratan Tata, patron du conglomérat du même
nom.
Par ailleurs, le
Franco-Ivoirien aime aussi rappeler qu’il conseille Barack Obama. Il a notamment
travaillé avec les équipes du président américain sur son projet énergétique
pour l’Afrique et l’a accompagné en Tanzanie en juillet 2013.
Mais au cours
des trois dernières années, il a significativement perdu du terrain (même s’il
est toujours bénéficiaire) et son action en Bourse a été nettement moins
performante que celle d’UBS. Condamné, par ailleurs, à plus de 2 milliards
d’euros d’amende, en mai 2014, pour avoir conseillé et aidé des clients
américains à établir des « déclarations fiscales tronquées », le
Crédit suisse doit aussi se refaire une image.
Il
a « l’audace de ceux qui ne doutent de rien et qui s’étonnent de
tout »
Ce grand gabarit
(1,93 m), qui a dû quitter la France pour faire voler en éclats le plafond
de verre, « parfaitement invisible mais ô combien réel », qui
bloquait son ascension professionnelle, a montré tout au long de son parcours
qu’il avait de la ressource – « l’audace de ceux qui ne doutent de
rien et qui s’étonnent de tout », écrivait à son sujet notre défunt
collaborateur Elimane Fall en 1998. Ce trait de caractère, le patron de
Prudential l’a notamment montré, en mars 2010, en lançant à la surprise
générale une offre de 26 milliards d’euros pour racheter AIA, la branche
asiatique de l’assureur américain AIG. L’homme d’affaires voulait être à
l’origine du plus gros deal de l’histoire du secteur de l’assurance.
Mais les
actionnaires de Prudential refusent de le suivre, l’opération est un échec, le
groupe britannique perd quelque 550 millions d’euros au passage, et Tidjane
Thiam faillit perdre son fauteuil de directeur général. « Vous avez
échoué, vous êtes un déshonneur », lui lancera même un actionnaire lors de
l’assemblée générale de cette année-là.
Une famille en or
Dernier d’une
fratrie de sept enfants (cinq garçons et deux filles), Tidjane est sans doute
le plus connu des Thiam au niveau mondial. Mais la réussite est une histoire de
famille chez le nouveau patron du Crédit suisse.
Son frère
Augustin, médecin puis journaliste (et ancien collaborateur de Jeune
Afrique), est actuellement gouverneur de Yamoussoukro, avec rang de
ministre.
Deux autres
frères ont eux aussi été ministres : Daouda, aujourd’hui conseiller d’Alassane
Ouattara chargé des ressources naturelles, a occupé le portefeuille des Mines
et de l’Énergie entre 1999 et 2000, sous la présidence de Robert
Gueï, et Abdel Aziz celui des Transports de septembre 2006 à
avril 2007, sous Laurent Gbagbo. Centralien, ce dernier a depuis rejoint
le logisticien Necotrans, à Paris, dont il est désormais vice-président.
Décédé en 1995,
Papa Ababakar était quant à lui docteur en histoire, tandis que Ndeye Anna,
aujourd’hui à la retraite, a été cadre de la banque BIAO. Quant à Yamousso, la
cadette, elle a été conseillère spéciale chargée des musées présidentiels sous
Laurent Gbagbo.
Têtu, le patron
refuse de démissionner, soutenant mordicus n’avoir commis aucune erreur.
L’occasion d’acheter AIA était « unique », affirme-t-il à la presse,
et le risque que l’acquisition échoue valait d’être pris. Cinq ans plus tard,
AIA vaut au moins deux fois le prix négocié à l’époque par Tidjane Thiam…
Pessimiste
Convaincu par le
potentiel de l’Asie, le patron avait continué de développer ses activités sur
ce continent qui tire aujourd’hui les résultats de Prudential. Son histoire
avec l’Afrique, et notamment le pays qui l’a vu naître, est plus complexe. Au
point qu’il avait commencé à douter du développement futur du continent.
Dans une
interview parue dans l’hebdomadaire français Le Point en
décembre 2013, il déclarait : « J’ai été assez pessimiste pendant
très longtemps. J’ai changé d’opinion aux alentours de 2005. » Enfant,
Tidjane a vu son père, journaliste né au Sénégal et devenu ministre de
l’Information d’Houphouët-Boigny, se faire emprisonner pour cause d’un prétendu
complot contre le pouvoir, puis être éloigné de Côte d’Ivoire pendant près de
quinze ans par le biais d’une nomination comme ambassadeur au Maroc.
Grands travaux
Des années plus
tard, en 1994, le jeune homme, bardé des plus prestigieux diplômes français,
rentre au pays. Il devient la tête pensante des « douze travaux de
l’éléphant d’Afrique » lancés par le président Henri Konan Bédié. D’abord
directeur général du Bureau national d’études techniques et de développement
(BNETD), chargé des grands travaux, il est ensuite nommé ministre du Plan et du
Développement, en 1998, à seulement 36 ans. Mais là aussi, l’aventure
tourne court.
À Noël 1999,
alors qu’il est en vacances aux États-Unis dans la famille de sa femme, une
Américaine convertie à l’islam, il apprend que Bédié a été renversé par un coup
d’État et que la plupart des ministres ont été arrêtés. Tidjane Thiam revient à
Abidjan, où il est à son tour placé en résidence surveillée. Depuis cette
expérience, c’est d’Europe qu’il tente d’apporter sa contribution au développement
de l’Afrique.
Curriculum Vitae
Il a été ministre de la planification de la Côte d`Ivoire de 1998 jusqu`au coup d`état de Décembre 1999. En 2005, il est choisi pour être l`un des membres de la Commission pour l`Afrique de Tony Blair (ancien premier ministre Britannique).
Diplômé de l`école Polytechnique en 1984, et ingénieur civil des Mines de Paris en 1986, il obtient un MBA à l`Insead en 1986.
Directeur associé de McKinsey & Company au niveau mondial, il renforce l’équipe française. Tidjane débute sa carrière en 1986 comme consultant chez McKinsey, où il participe, au sein des bureaux de Paris, New York, et des principaux pays de l’Union Européenne, jusqu’en 1994, à des missions de restructuration opérationnelle ou financière, d’acquisition, de fusion internationales et de stratégie pour le compte de grandes entreprises dans les secteurs financier et industriel. En 1989, il prend un congé sabbatique d’un an pour travailler comme Young Professional à la Banque Mondiale à Washington.
De 1994 à 1999, il est nommé premier Directeur Général ivoirien du Bureau National d’Etudes Techniques et de Développement (BNETD, structure interministérielle qui conçoit et met en œuvre les grands projets de développement des infrastructures). En août 1998, il devient Président du BNETD et Ministre de la Planification de la Côte d’Ivoire, son pays d’origine.
Personnalité reconnue, Tidjane THIAM a été désigné, en 1998, par le World Economic Forum de Davos comme l’ un des 100 leaders mondiaux de demain (Global Leaders for Tomorrow) et élu membre du Dream Cabinet en décembre 1999. Il est aussi membre du Conseil Consultatif de l’Institut de la Banque Mondiale.
Source: jeuneafrique
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